Mais si, les lettres d'amour nous enflamment toujours

Elles sont manuscrites, envoyées par mail ou par texto : elles restent une nécessité pour une belle relation à deux.

    Elles ont beau avoir un côté délicieusement suranné, elles ne sont pas d'un autre temps. Les lettres d'amour, les vraies, celle où l'écriture court sur un papier minutieusement choisi, existent toujours bel et bien. Surtout lorsque la relation se noue, lorsqu'elle est secrète, clandestine, un peu moins chez les couples installés qui n'ont pas besoin d'elles pour conjurer l'absence, exprimer son sentiment et son désir. « Et c'est bien dommage. Lorsque je reçois des couples en thérapie, je leur conseille parfois de s'écrire. Cela réveille le sentiment amoureux, ranime la passion », explique le docteur Philippe Brenot, psychiatre, anthropologue et thérapeute de couple, auteur des « Lettres d'amour, secret des amants »*, qui vient de sortir. Mais à l'heure des mails et des textos, que sont nos missives devenues ?

    Tous écrivains ?

    Eh bien, oui! Dans son livre, le docteur Brenot rappelle ces chiffres : aujourd'hui, très peu sont les hommes (4 %) et les femmes (8,7 %) à n'avoir jamais écrit de billet amoureux. « La grande majorité a aimé et a écrit des lettres d'amour, en moyenne à 3 hommes pour les femmes, à 4 femmes pour les hommes. Les hommes étant plus nombreux à en écrire, à davantage de correspondantes. » Il ajoute d'ailleurs qu'il n'y a pas d'âge pour le faire. Les lettres d'amour ont été récemment au centre de l'actualité littéraire avec la publication des ardentes « Lettres à Anne », soit Anne Pingeot, l'amour de l'ombre de François Mitterrand. « Elles n'ont pu être écrites ainsi que parce qu'elles étaient clandestines. Ce n'est pas vraiment la passion lorsqu'elle est à ciel ouvert », analyse Philippe Brenot.


    Du papier à l'écran

    « On a pensé que la lettre d'amour allait disparaître avec le mail, mais il n'en est rien. Alors, certes, elles sont moins nombreuses, mais les mails amoureux existent, tout comme les textos d'amour. En fait, le mail a remplacé la lettre et le texto, le billet qu'on faisait apporter. La grande différence, c'est la rapidité qui donne l'illusion de la présence. On peut très bien aujourd'hui être en pleine réunion professionnelle et envoyer un tu me manques », précise le docteur Philippe Brenot. Mais ces messages ne se gardent pas comme une correspondance papier. « Détrompez-vous, beaucoup de personnes stockent et conservent ces écrits sur des disques durs. » Une lettre, fût-elle électronique, sera toujours une lettre.


    Le corps féminin omniprésent pour les hommes

    C'est un objet d'admiration sur lequel l'homme exprime son désir et sa lettre l'effeuille. « Songez donc que quand j'emporte le parfum de vos bras et de vos cheveux, j'emporte aussi le désir d'y revenir. Et alors, quelle insupportable obsession », écrit Charles Baudelaire à Apollonie Sabatier. Et plus que tout autre, c'est le pied qui est l'objet de leur vénération, « il est un lieu du corps investi d'érotisme et souvent de fétichisme », développe Philippe Brenot.


    Formuler l'absence

    Hommes-femmes, le rôle principal de la lettre d'amour est de formuler l'absence. Mais si l'absence permet le plus souvent aux femmes de prendre conscience de leur désir, pour l'homme amoureux elle est cruellement vécue, comme un abandon. « Ecrivez-moi, que je voie au moins quelque chose qui vienne de vous », écrit ainsi douloureusement Chateaubriand à Mme Récamier.


    La nature de la relation dans les écrits des femmes

    Contrairement à la gent masculine, rarement la représentation du corps de l'homme apparaît dans les lettres des femmes (sauf par exemple chez George Sand) pour la simple et bonne raison que, pour elles, LA lettre du bien-aimé est déjà « une partie du corps de l'homme », décrypte le médecin. Ce courrier au féminin explore surtout le sentiment amoureux et la nature de la relation. « Je voudrais trouver une manière nouvelle de te dire mon amour, mais je n'en connais pas. Je ne puis donc que te répéter avec les mêmes mots le même sentiment exclusif, ardent, admiratif et passionné que j'éprouve depuis bientôt douze ans... », exprime passionnément Juliette Drouet à son Victor Hugo.

    * « Lettres d'amour, secret des amants » Editions L'Esprit du Temps, 14,50 €.